Un monde morcelé en crise

monde en polycrise

Plusieurs paramètres sont à prendre en compte dans le monde actuel, notamment : le climat, la géopolitique, les technologies, la fragmentation et la démographie. Face à l’émergence d’autocrates qui rêvent de puissance, comme l’axe qui se dessine : la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran qui coopèrent activement pour mener une guerre. Les pays démocratiques doivent se réveiller de trente ans de paix, et s’adapter à un monde différent, où la primauté de la violence domine.

Nous vivons aujourd’hui, comme ce fut le cas à d’autres moments de l’histoire, dans un environnement qui donne la primauté à l’agresseur. Dans ce monde, il n’y a plus que deux types de prédateurs qui dominent. D’abord, les prédateurs politiques, à l’image d’un Donald Trump, d’un « MBS » ou d’un Nayib Bukele, le président du Salvador. Ces prédateurs se sont alliés avec un autre type de prédateurs, plus nouveaux et plus contemporains : les seigneurs de la tech. Ceux-ci ont créé un écosystème où l’agresseur a toujours l’avantage, car attaquer ne coûte rien, alors que se défendre est difficile et très onéreux… Ces prédateurs numériques se prétendent progressistes.

Un monde en polycrise

« Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote » Général de Gaulle

Ceux qui ont le plus raison sont ceux qui sont capables d’avoir un réflexe d’autocritique et de revoir leur jugement à l’aune des signaux qu’ils reçoivent de l’extérieur.

Dans un monde en polycrise, comprendre ce qui change – et pourquoi – ouvre la voie aux analyses et aux scénarios de réponses possibles :

  1. Climat : Alerte maximale : Le réchauffement climatique mondial a atteint une température moyenne de +1,55 °C en 2024.
  2. Géopolitique : Vers un conflit mondial ? 84% des experts interrogés jugent le risque d’un conflit mondial élevé. Ukraine, Gaza, Taiwan, Téhéran… Les foyers de tension s’étendent, les alliances se recomposent, et les régimes autoritaires s’affirment. La guerre redevient un horizon plausible, même en Europe.
  3. Technologies : Une défiance grandissante : Les lignes entre les attaques numériques, les manipulations informationnelles et les usages déviés de l’intelligence artificielle s’entremêlent. Les cyberattaques se banalisent, les IA génératives échappent aux régulations, et la confiance dans les technologies se fissure. Près d’un expert sur deux considère désormais l’IA comme un facteur de déstabilisation globale, et 71% disent se sentir exposés au quotidien à des menaces cyber. Pour 54% des experts, les risques éthiques liés à l’utilisation des technologies posent de nouveaux défis aux sociétés et aux organisations du monde entier.
  4. Fragmentation : le péril interne : Le sentiment de fragmentation nationale est ressenti par la majorité des citoyens. Les lignes de fracture ne se limitent plus aux clivages politiques, mais s’étendent aux valeurs et aspirations, alimentées par les inégalités sociales, les écarts entre les générations, les territoires, et les sphères informationnelles. Cette désunion accroît le risque de tensions et de mouvements sociaux et fragilise la réponse collective face aux crises. Près de 3 personnes sur 5 considèrent que leur pays est réellement fragmenté.
  5. Démographie : Le choc silencieux : Le vieillissement des populations devient un facteur de fragilisation systémique. Il pèse sur les grands équilibres sociaux et économiques : systèmes de santé, de retraite et capacité d’investissement dans d’autres secteurs comme la transition climatique. Le vieillissement interroge la soutenabilité des modèles de solidarité. Seuls 11% des experts estiment que les pouvoirs publics sont prêts à gérer les défis posés par l’évolution démographique.

Une Europe menacée

« Il faut prendre l’évènement par la main avant qu’il ne vous saisisse à la gorge » Churchill

Peter Sloterdijk décrit l’Europe comme une « Confédération d’empires en faillite ». Effectivement, le projet européen est né de l’échec sanglant du projet impérial, que plusieurs nations ont vécu sous différentes formes.

La principale menace pour l’Europe, c’est Vladimir Poutine. Il est nostalgique de la période de l’Union soviétique et tente de restaurer autant que possible cette puissance. Il a déjà tenté de réintégrer la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine. Les pays Baltes sont directement menacés, malgré leur appartenance à l’Otan.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie marque l’ouverture de la grande confrontation des empires autoritaires avec les démocraties, et elle débute sur le continent européen. La guerre de haute intensité en Ukraine s’accompagne de la conduite d’un conflit hybride contre l’Europe, transformant le gaz, l’alimentation, l’inflation, les flux de migrants, le cyber, l’information et les partis populistes en armes de déstabilisation massive. De même, la Russie bénéficie de l’appui de la Chine de Xi Jinping mais aussi de la Turquie de Recep Erdogan, puissance révisionniste qui entend reconstituer l’Empire Ottoman autour de l’islam, y compris en Méditerranée orientale avec le projet de la patrie bleue. La conflictualité se diffuse partout dans le monde, qui n’a pas connu autant de conflits armés entre Etats depuis 1945. Il y a une course mondiale aux armements avec des dépenses militaires qui ont atteint 2.200 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 9%. Le péril islamiste refait surface, en faisant 8.352 victimes d’attentat en 2023, soit une hausse de 22% par rapport à 2022, particulièrement en France à la suite des fortes tensions créées par la guerre de Gaza.

Cependant l’Europe n’est pas condamnée au déclin, en effet, selon le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne est très bon. Il identifie les sources de la stagnation économique en Europe et présente un ensemble de mesures que les dirigeants européens pourraient adopter afin d’inverser la situation. La question est de savoir si les dirigeants actuels sont capables de lancer ces réformes.

Pour l’Ukraine, il existe différentes garanties de sécurité que l’Europe peut fournir sans adhésion formelle à l’Otan. Par exemple, on pourrait imaginer une rotation de troupes de l’Otan en Ukraine, ou de nouvelles promesses d’équipement, d’entrainements…

Réarmement des pays de l’Otan

« Si le renard sait beaucoup de choses, le hérisson n’en sait qu’une seule, mais elle est grande ».

Dans le monde dans lequel nous entrons, le hérisson risque de rencontrer plus de difficultés. Il nous faut désormais développer notre capacité à naviguer entre différents sujets pour prendre les bonnes décisions.

En 2024, selon les estimations, 22 des 31 alliés des Etats-Unis au sein de l’Otan ont rempli l’objectif d’un effort de défense à 2% du PIB, et leurs dépenses cumulées ont atteint 430 milliards de dollars. Le Royaume-Uni a porté son budget militaire à 50 milliards de livres, dont 7,5 milliards pour reconstituer les stocks de matériels et de munitions. L’Allemagne a atteint le seuil de 2% du PIB, avec un budget de 72 milliards d’euros grâce à l’abondement du fonds spécial de 100 milliards d’euros. La Suède a rétabli le service militaire et rompu avec sa neutralité plus de deux fois centenaire pour adhérer à l’Otan en compagnie de la Finlande. Quant à la France, elle continue à asseoir sa posture stratégique sur le statut de puissance d’équilibre, qui n’a aucun sens dans un monde en guerre où les démocraties font l’objet d’une menace vitale de la part des empires autoritaires. La loi de programmation militaire de la France, réinvestissant dans sa défense l’équivalent de 413 milliards d’euros entre 2024 et 2030. L’industrie française s’est spécialisée dans la très haute technologie et les équipements utiles pour les conflits des prochaines décennies, des avions spatiaux à l’hypervélocité en passant par le quantique, mais se révèle incapable de produire les armes qui servent dans les conflits actuels : artillerie, chars, drones.

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