L’OCP opère une mue à l’international. Devenant un mastodonte national à l’influence mondiale dans le secteur agro-industriel. Dans un contexte mondial de transition énergétique, où les multinationales rivalisent d’inventivité pour assoir leur domination. Le groupe tend à créer un écosystème industriel efficient et compétitif en reconstituant un puzzle nodal, se basant sur ses forces vives.
Il est possible que les effets du changement climatique deviennent significatifs avant le milieu du siècle prochain. Cette échelle de temps est suffisante pour réorienter, si nécessaire, la manière dont opèrent l’économie mondiale, l’agriculture et la production énergétique.
Organisation météorologique mondiale
Pour espérer construire une politique climatique qui soit rigoureuse, il est indispensable d’avoir une compréhension renouvelée des dynamiques énergétiques et matérielles. La transition énergétique fait passer pour futile un futur étrange. Grâce à la transition, le changement climatique appelle un changement de technologie et non de civilisation. L’histoire de l’énergie, ses récits phasistes du passé – âge du bois, âge du charbon, âge du pétrole, économie organique et économie minérale – ont joué un rôle idéologique central dans la construction de ce futur.
Après deux siècles de « transitions énergétiques », l’humanité n’a jamais brûlé autant de pétrole et de gaz, autant de charbon et même autant de bois. L’écrasante majorité (95%) du charbon a été sortie de terre après 1900 et l’essentiel l’a été en dehors de l’Europe (86%). Des puissances asiatiques moyennes comme l’Australie et l’Indonésie extraient actuellement deux fois plus de charbon que les géants des années 1900 comme l’Angleterre ou les Etats-Unis. Ainsi, le charbon est une énergie nouvelle. La plus forte croissance de son histoire a eu lieu entre 1980 et 2010 (+300%), conduisant à une augmentation de sa part dans le mix énergétique mondial, au détriment de celle du pétrole.
Dans un monde globalisé, la décarbonation d’une économie nationale est un phénomène difficile à mesurer et que la « transition » des pays riches d’Europe de l’Ouest hors du charbon est, en partie, un artefact statistique lié à une convention commode : l’attribution des émissions de CO2 aux pays producteurs des biens et non aux consommateurs.
C’est dans ce contexte en pleine mutation énergétique à l’échelle mondiale, que l’OCP opère une transformation totale et radicale de sa stratégie de croissance. En effet, le jeudi 24 avril est une date mémorable, l’OCP fait une levée de fonds totalisant 1,75 milliards de dollars sur le marché international. Les conditions de financement de ces deux tranches obligataires cotées à la Bourse de Londres sont presque aussi avantageuses que la dernière émission d’Eurobonds (2 milliards de dollars en 2024) malgré un contexte incertain et alors même que la dette du groupe a augmenté de 41% entre 2023 et 2024 : environ 5 points de bonus sur le coupon à 10 ans entre les deux opérations et une prime risque modérée (60 pb) par rapport à la dette souveraine.
Stratégie de croissance
En 2006, Mostapha Terrab est nommé à la tête de l’OCP, opérant pour une valorisation du produit, réduisant les coûts et assurant la flexibilité industrielle.
Cela constitue un triptyque gagnant pour l’OCP, en adoptant un nouveau paradigme basé sur le succès. Ce momentum crucial, porte le groupe vers une révolution managériale. En effet, les contrats à long terme indexés sur des cours de phosphates remontant aux années 1970 sont désormais revus : in fine, l’OCP passe au trading en spot afin de convertir son rang de premier exportateur des phosphates en statut de market-maker.
Face à un marché du prix du phosphate volatile, l’OCP riposte par un recadrage de sa production et valorise sa production. Le groupe représente un atout pour les finances publiques de l’Etat : la contribution annuelle moyenne de l’OCP au budget public (entre taxes, impôts et dividendes) sur les 15 dernières années avoisine les 7 milliards de dirhams, soit 10 fois plus que les 750 millions de dirhams, entre 2000 et 2008.
En 2011, l’entreprise publique OCP devient OCP SA, réalisant sa première sortie sur le marché financier casablancais, en présentant des comptes redressés et certifiés. Le groupe a opté pour une émission obligataire plutôt qu’une ouverture de capital. Ainsi, l’OCP change de dimension en passant d’une entreprise nationale florissante à une entreprise mondiale influente. Avec un accès exclusif aux plus importants gisements de phosphate sur la planète (70% des réserves mondiales exploitables), le groupe a redressé la courbe de ses revenus sur tous les segments : multipliés par 4 en 20 ans avoisinant les 100 milliards de dirhams en 2024, et cela grâce à une valorisation de la matière première extraite du sous-sol national.
Stratégie de valorisation des engrais
Ces fertilisants contribuant aujourd’hui à hauteur de 50% de la production alimentaire mondiale, l’entreprise s’est hissée au rang de premier producteur avec une capacité installée de 15 millions de tonnes et a quasiment multiplié par trois ses parts de marché mondiales (30% en 2023).
La formule DAP classique, qui est un engrais binaire le plus utilisé, est en voie d’extinction au profit d’engrais customisés en fonction de la nature des sols et des cultures. En effet, le groupe OCP a cartographié environ 50 millions d’hectares dans 13 pays et analyser deux fois plus de superficies par voie satellitaire (ce qui lui a permis de développer jusqu’à 44 formules d’engrais sur-mesure ayant déjà fait leurs preuves dans 5.000 parcelles de démonstration : l’augmentation du rendement peut aller de 30 à 100% comme le montrent plusieurs expérimentations notamment en Ethiopie, Kenya, Rwanda, Sénégal…
L’Afrique est une terre d’opportunités pour le groupe OCP. En effet, le continent possède 60% des terres arables inexploitées dans le monde. Et le groupe écoule environ 2,7 millions de tonnes d’engrais par an. Ce qui lui vaut 56% des parts de marché avec des produits moins chers et mieux adaptés que ses concurrents.
Stratégie d’innovation
De même, afin de couvrir les besoins de ses complexes industriels, l’OCP s’est fixé comme objectif d’en finir avec l’utilisation des eaux de surface pour ses besoins industriels. Son plan de développement 2023-2027 prévoit de traiter et de dessaler environ 560 millions de mètres cubes.
En termes d’énergies renouvelables, le groupe a pu innover en matière de stockage électrique via le développement d’une technologie brevetée : des électrolytes uniques pour des batteries dites à « flux Redox » ainsi que le démarrage de production d’un matériau actif de cathode à base de lithium, fer et phosphate (LFP).
Ainsi, à l’horizon 2027, l’OCP vise à produire plus de 30.000 tonnes de LFP et de porter sa capacité de production d’énergie à environ 5 gigawatts. Sa technologie d’électrolyse, il la met à profit pour la production d’hydrogène vert. De facto, l’OCP cherche à substituer le gaz naturel par l’hydrogène vert afin de produire de l’ammoniac vert, soit un intrant crucial pour la politique commerciale future de l’OCP qui souhaite opérer une transition vers les 100% d’engrais customisés, avec un process industriel et logistique décarboné.
Tel un puzzle, le groupe cherche à créer un écosystème industriel efficient et compétitif. Cette stratégie novatrice ne pourra se concrétiser que grâce à une politique interne de l’entreprise basée sur la synergie de ses différentes entités, afin de construire un mastodonte mondial dans le secteur agro-industriel.
Source : La Vie Eco