William Pitt (1708-1778)

Chateaubriand a déclaré : « Nous sommes exclus du nouvel univers où le genre humain recommence. Les langues anglaise et espagnole servent en Afrique, en Asie, dans les îles de la mer du Sud, sur le continent des deux Amériques, à l’interprétation de la pensée de plusieurs millions d’hommes. » La politique étrangère de Pitt a également été la source d’un bouleversement linguistique et culturel dont les effets sont plus que jamais présents en ce premier tiers du 21ème siècle.

A la tête de la politique étrangère et chargé des affaires coloniales au plus fort de la guerre des Sept ans (1756-1763), William Pitt a contribué de façon décisive à l’affirmation de la puissance de la Grande-Bretagne. « Ministre du peuple », figure de proue de la vie parlementaire du 18ème siècle. Il défend la grandeur nationale, l’insularité et l’empire.

La paix entre la France et la Grande-Bretagne vit ses derniers jours en ce mois d’avril 1778. En janvier 1775, William Pitt a prononcé un discours mémorable : « Mylords, rappelez-vous bien que la France, tel un vautour, plane sur l’Empire britannique, qu’elle guette avec appétit sa proie et qu’à la première occasion elle est prête à piquer sur elle. »

L’Empire britannique est en effet menacé. En 1775, la révolte des colonies d’Amérique a débouché sur une révolution. Le « vautour » s’est lancé sur sa proie. Avec l’alliance conclue le 6 février entre la France et les Etats-Unis d’Amérique, l’internationalisation de la querelle nord-américaine a commencé.

Ministre du peuple

William Pitt présenté comme le précurseur de sir Winston Churchill. Artisan de la domination mondiale de la Grande-Bretagne, il ne pouvait sortir indemne du mouvement d’émancipation affectant un tiers de la planète. La décolonisation ternit la statue du commandeur. Elle entraîna avec elle l’effacement progressif de Pitt de la mémoire collective. La mondialisation, la révolution technologique et le choc civilisationnel que nous vivons ont accéléré son oubli.

L’Angleterre est une île, cette insularité n’est pas que géographique. La Réforme protestante, dans sa version anglicane, a puissamment contribué à façonner l’identité du peuple anglais, se glorifiant d’avoir adopté un système politico-religieux sans équivalent sur le continent. L’anglicanisme est unique, et cette unicité constitue un des agents les plus actifs d’un sentiment national puissant. L’insularité est également politique. L’Angleterre de Pitt vit sur l’héritage de la Glorieuse Révolution. En effet, la Glorieuse Révolution a marqué profondément le sentiment national associant liberté religieuse et libertés politiques. Une troisième composante entre en jeu qui est l’essor spectaculaire du commerce lointain à partir de la fin du 17ème siècle. Affirmant que l’Angleterre est destinée à dominer sans partage les mers et les Océans.

Portrait de William Pitt

William Pitt est né le 15 novembre 1708 à Londres dans une famille enrichie dans ce négoce extra-européen. Après avoir mené une vie d’aventurier sur les mers et officié comme gouverneur de Madras pour le compte de de la Compagnie des Indes orientales, son grand-père Thomas s’est retiré sur ses terres pour y vivre en country gentleman.

En 1734, William Pitt se voit proposer par son frère aîné, qui contrôle deux sièges au Parlement, celui d’Old Sarum. Son élection n’est qu’une formalité : localité florissante au Moyen Age mais quasi déserte au 18ème siècle. William Pitt fait son entrée à la Chambre des communes. Les 557 députés qui l’entourent remarqueront ses talents.

L’Amérique

Les tensions croissantes en Amérique du Nord entre la Nouvelle-France et les Treize Colonies britanniques. Le 28 mai 1754, un affrontement dans la vallée de l’Ohio entre miliciens virginiens et soldats français s’est soldé par la mort du capitaine français Jumonville. La guerre de Sept ans vient officiellement d’éclater.

En Amérique, l’année 1755 a été désastreuse pour les troupes britanniques, écrasées par les Français et leurs alliés amérindiens. Le 28 juin 1756, les troupes françaises du maréchal de Richelieu s’emparent de Minorque, île des Baléares aux mains des Britanniques depuis le début du siècle. Cette humiliation nationale réveille l’Angleterre. Le 27 juin 1757, le monarque George II, donne son accord à la formation d’un ministère de coalition dirigé par Newcastle et comprenant plusieurs figures importantes de la mouvance patriote. William Pitt y occupe le poste vital de secrétaire d’Etat au Sud. La réforme de 1782 instaure le secrétariat d’Etat au Foreign Office, les affaires étrangères étaient confiées à deux secrétaires d’Etat : le premier pour le « Nord » (Europe septentrionale et orientale), le second, le plus important, pour le « Sud » (France, Espagne, péninsule italienne, Empire ottoman). Le secrétaire d’Etat au Sud était aussi chargé des affaires d’outre-mer.

Ministre patriote

Lors du « renversement des alliances », alors que la Prusse se rapproche de la Grande-Bretagne par la convention de Westminster du 16 janvier 1756, la maison d’Autriche négocie avec sa vieille ennemie la France. Dans l’esprit de Louis XV, le traité conclu le 1er mai 1756 avec Marie-Thérèse doit garantir la paix en Europe. Cependant, Frederic II roi de Prusse qui, se croyant menacé, envahit la Saxe et la Bohême le 29 août. Conflit initialement localisé en Amérique, la guerre de Sept Ans vient d’acquérir son second visage : celui d’une guerre européenne mettant aux prises deux systèmes d’alliances.

Source : Hubert Védrine « Les Grands Diplomates »

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