Choiseul (1719-1785)

Militaire devenu ambassadeur puis ministre sous la protection de la marquise de Pompadour. Ambassadeur peu aguerri, Choiseul comprend rapidement les enjeux diplomatiques pour se transformer en un politicien rusé durant douze années au pouvoir. Cherchant la suprématie postanglaise. Comme il l’a expliquée au roi : « L’Angleterre est l’ennemie déclarée de votre puissance et de votre Etat…

Entre 1758 et 1770, le duc de Choiseul cumule les fonctions ministérielles tout en dominant les Affaires étrangères. Ayant d’abord choisi les armes, qu’il quitte finalement après la guerre de Succession d’Autriche (1741-1748), lassé du peu de perspectives qui s’offre à lui. En 1748, une mutation le mène vers les ambassades (Rome, Vienne), tremplin vers la fonction suprême de secrétaire d’Etat des Affaires étrangères.

Né à Nancy en 1719 d’une famille anciennement implantée en Lorraine, le jeune Etienne François de Choiseul est très tôt promis au service de la France. Très tôt, Choiseul cultive les qualités innées d’un diplomate : goût du secret, art oratoire, grande ouverture d’esprit favorisée par le terreau familial.

Pour Choiseul, l’épreuve du feu est la guerre, pas comme un soldat, mais comme un chef d’orchestre de la diplomatie française. Sa position en 1759 reste largement incertaine, car il doit composer avec le vieux maréchal de Belle-Isle à la Guerre et Berryer à la Marine, protégé de Mme de Pompadour. Choiseul récupère ces charges en 1761 : la Guerre à la mort de Belle-Isle en janvier et la Marine lors de la promotion de Berryer comme garde des Sceaux en Octobre, lui permettant avec son cousin Choiseul-Praslin de contrôler de facto le ministère.

Fin 1761, Choiseul publiait son Mémoire historique sur les négociations entre la France et l’Angleterre depuis le 26 mars 1761 jusqu’au 20 septembre de la même année avec des pièces justificatives. C’est l’intégralité des lettres entre les deux puissances. Cherchant à renvoyer l’échec des négociations sur l’Angleterre, tout en entretenant l’opinion dans sa haine de l’ennemi. Pour conclure la paix, le traité définitif est signé à Paris, le 10 février 1763. Sept ans de guerre ont vidé les finances royales. Géopolitiquement, le conflit consacre la prépondérance de l’Angleterre et le déclin relatif de la France dont Choiseul avait conscience. Il perdait certes le Canada, mais récupérait les îles à sucre, moteurs de la fortune des ports atlantiques dans la seconde moitié du 18ème siècle.

Nouvel art de la guerre

Ministre tout-puissant entre 1758 et 1770, Choiseul ne peut se démultiplier entre ses différents ministères. Sa méthode de travail : se démultiplier en divisant le travail. A Choiseul les grandes décisions et à ses collaborateurs la gestion politique quotidienne. Les premiers commis deviennent progressivement ceux que l’on appellera plus tard des « chefs de cabinet » et, grâce à eux, le ministre n’est plus noyé dans les dossiers, il délègue et ne prend que les décisions les plus importantes. Cette efficience se retrouve aussi dans l’organisation spatiale : c’en est fini des multiples dépôts dans la capitale. Après la construction à Versailles de l’Hôtel de la Guerre par Belle-Isle, Choiseul fait ériger juste à côté l’hôtel des affaires étrangères.

L’Angleterre domine le monde parce qu’elle domine les mers et le seul moyen de la contrer est de protéger le chapelet insulaire des Caraïbes en s’appuyant sur l’Espagne pour retrouver une mare nostrum hostile aux anglais. Plus qu’une heureuse prédiction, ses choix sont le résultat d’une obsession : prendre sa revanche sur Albion ; ambassadeur, ministre, Choiseul reste avant tout un militaire dans l’âme. Le principal coup de maître de Choiseul est l’acquisition de la Corse. A l’origine, il s’agit d’aider Gênes à éteindre la révolte indépendantiste menée par Paoli. Or Choiseul s’empresse de demander aux Génois le remboursement des frais engagés à la hauteur de 30 millions de livres. Acculé, Gênes n’a d’autre choix que de signer le traité de Versailles du 15 mai 1768. Souvent considéré comme l’acte d’achat de la Corse. Ainsi, Gênes perdait sa souveraineté sur l’île, cédée à la France, mais en conservait la propriété. Elle la récupérerait lors du paiement des dettes considérables que Choiseul espérait ne jamais recevoir et dont le terme avait été fixé à dix ans. Après cette échéance, la France deviendrait propriétaire de l’île.  

Source : Hubert Védrine « Les Grands Diplomates »

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